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16 mai 2018 3 16 /05 /mai /2018 08:00

Un troisième chapitre très polémiste sur les errements de la politique, les raison du mal-être du peuple et les soins à apporter pour retrouver l’harmonie du Tao.

 

1

, 使  

Sans mise  en avant des vertueux, nul ressentiment

2

, 使

Sans valorisation des biens, nul vol.

3

, 使

Sans multiplication des désirs, nulle frustration.

4

圣人

Ainsi, les soins du Sage :

5

,  

Vider les esprits mais remplir les ventres

6

,  

Limiter les aspirations mais renforcer les os

7

使

Préserver le peuple des informations, du désir

8

使

Et des manipulations des experts

9

,

Par la pratique du non agir, faire de l’harmonie la norme

 

Cliquer sur le numéro de phrase vous transportera directement aux explications de la phrase en question. Après le désordre ordonné, voici l’ordre apparent…

 

 

Vidéos de l'internet chinois

 

Prononciation en chinois (Chap 3 de 1:30 à 2 :04)

Et chant taoïste!

 

 

Commentaires :

 

Un chapitre dans une traduction moderne et politiquement incorrecte où le Sage condamne à la fois la gestion des gouvernants mais également les systèmes médiatique et publicitaire modernes. Comme le note fort justement Jean-Claude Pastor « le taoïsme a toujours représenté une menace aux yeux du pouvoir impérial [dans le sens où] l’idéal de désengagement et le refus de l’Etat occupent une place centrale. » [1] 

 

Les autres traductions mettent plutôt l’accent sur le gouvernement du Sage : comment favoriser l’harmonie du peuple et par là même prévenir sa rébellion… Cette vision quelque peu machiavélique du taoïsme ravira les puissants aux manettes mais me semble contradictoire avec la légende d’un Lao Zi quittant un pouvoir corrompu ou d’un Zhuang Zi refusant tout poste au sein du gouvernement de l’Empereur Chu afin de pouvoir, comme une tortue, « continuer à tremper sa queue dans la gadoue ». Au final, le Daode Jing ne vise pas à manipuler le peuple mais au contraire à le libérer des manipulations !

 

 

yinyang_poele.jpg

 

Lao Zi commence par rappeler ce qui conduit le peuple () à sortir de la vertu et à oublier jusqu’à l’existence du Tao : la comparaison avec autrui et notamment ceux qui sont admirés selon les normes en vigueur (les hommes "vertueux" ou compétents () des temps passés ; les puissants, les membres de la jet-set ou du show-biz des temps présents), les injustices dans la répartition et la valorisation des biens () et, enfin, la multiplication des désirs (), qu’ils soient d’ordre sexuel (explosion de la pornographie) ou consumériste (matraquage publicitaire) et donc des causes multiples de frustrations ().

 

C’est aussi l’expérience du dresseur de fauves chez Lie Zi : « « Se conformer au tempérament d’un être le réjouit, le contrarier l’irrite. Telle est la nature des vivants. Joie et colère n’éclatent pas sans motif : toutes viennent d’une outrance. […] Je veille à ne pas exciter sa colère [du tigre] en le contrariant, évite aussi d’exciter sa joie en flattant ses instincts, car la joie se termine fatalement par la colère et la colère se termine par la joie. Le juste milieu est impossible. Je ne veux ni flatter ni contrarier, c’est pourquoi les animaux me considèrent des leurs. » (II-7, p.41-42)

 

Les hommes seraient naturellement enclins à suivre le Tao s’il n’y avait les pressions du système, alimentées par la corruption des gouvernants. Que ces derniers mettent en place les conditions de l’harmonie universelle et il n’y aura plus de disputes (), de jalousie, de vol (), de mal-être en général. Mais cela supposerait d’être tourné vers l’intérêt général plutôt que personnel, de ne pas accorder d’importance à une pseudo morale ( ), à une pseudo richesse ( ) ou à de pseudo besoins par rapport à des désirs superficiels ( ).

 

S’ensuit donc les conseils ou les soins () du Sage que l’on peut considérer comme étant à l’adresse des gouvernants ou des hommes en général, lui le premier : apaiser le cœur ()et l’esprit des hommes en limitant la multiplication des informations inutiles et biaisées (), des désirs (). Au contraire, il convient de répondre aux besoins physiologiques, notamment du ventre () et affermir ses os () en maîtrisant son souffle et/ou son essence séminale.  

 

Ce faisant, le peuple ayant atteint un niveau de "pureté", les hommes débrouillards, les finauds ou les experts ( ) n’oseront plus prendre le risque de l’action ou des manipulations à leur encontre. C’est ainsi, par la multiplication de la pratique du non-agir ( ) que l’harmonie redeviendra la norme ()

 

Le Mendiant

 

[1] Jean-Claude Pastor, Toujours sous haute surveillance, Philosophie magazine, septembre 2009, p.77

 

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13 mai 2018 7 13 /05 /mai /2018 08:00

Pourquoi l’harmonie nous échappe.  Pourquoi l’action nous éloigne du Tao.

 

,

wéi wú wéi, zé wú bù zhì

Agir - [Négation] – Agir, Norme - [Négation]- Pas – Gouverner/Contrôler

 

() [wéi] signifie faire, servir en tant que quelque chose, agir, devenir ou signifier, Cf. 2-1 [zé] signifie la norme, le standard, le principe, le critère, la règle, la règlementation, le règlement ou alors imiter, suivre. Ce caractère est aussi utilisé pour exprimer un contraste entre deux parties de phrase. [zhì] signifie gouverner, administrer, manager, contrôler, soigner, guérir ou punir, Cf.3-4.

 

Traductions :

Il agit par le non-agir, pratique le non-agir et alors il n'y a rien qui ne puisse être (bien) gouverné, bien dirigé, et alors tout/chaque chose sera mis/restera en ordre, prendra sa place.

♥ « Car il n’est rien qui ne s’arrange, par la pratique du non agir. » (Léon Wieger)

♥ « Par la vertu du non-agir, l'ordre se maintient, naturel. » (Ma Kou)

► Il faut beaucoup d’imagination pour passer de cette multiplication de négations à une forme de gouvernement idéal où tout serait en ordre (luxe, calme et volupté). Il en faut tout autant pour dépasser le casse-tête de cette double négation ( ) : s’agit-il de la négation de ne pas contrôler et donc le contrôle, l’ordre, le « une place pour chaque chose et chaque chose à sa place » ?  Ne pourrait-on pas aussi considérer que et font à chaque fois référence à  : est le non-contrôle, l’absence de résistance, dans l’esprit du 无为 tandis que serait un autre concept à expliciter. Le contraire du contrôle ? L’incontrôlable ? Je ne suis malheureusement pas à la place de Lao Zi et ne peux ici remettre ses fulgurances en ordre… mais cette confusion pourrait effectivement bien déboucher sur l’harmonie universelle, de même que (1-8) débouche sur (1-9)

 

 

harmonie_nb.jpg

 

Contre-sens ?

Les traducteurs s’en sont donnés à cœur joie pour expliquer cette phrase, quitte à rajouter pour cela bon nombre de caractères. Ainsi, le « S'il pratique le non-agir, l'harmonie est préservée. L'ordre est maintenu. L'empire gardé. » de Conradin Von Lauer.

 

Par la pratique du non agir, faire de l’harmonie la norme.

Accueillir l’harmonie en tant que norme.

 

Réflexions :

1. En ne s’attachant aux évènements qui passent, en limitant nos sentiments à leur égard, en mettant notre ego dans notre poche (avec un mouchoir par dessus), l’harmonie universelle du Tao a plus de chance de se manifester (Cf. 1-5)

2. Toute ballade en campagne, dans la forêt ou en montagne permet de percevoir le flux et l’harmonie de l’univers. Là, les choses n’agissent pas mais sont et suivent les lois naturelles, sans stress ni désirs.

3. Lâcher prise, faire le choix de la sérénité, permet de se connecter à des lois nettement plus fondamentales que celles du système.

4. Si l’achat du dernier gadget ou le suivi de la dernière mode nous donne l’illusion d’être en harmonie avec la société de consommation, nous nous éloignons dans le même temps des fondamentaux et prenons le risque de la superficialité de groupe. « Un groupe de loups, c'est une horde. Un groupe de vaches, c'est un troupeau. Un groupe d'hommes, c'est souvent une bande de cons.» a dit Philippe Geluck.

 

Le Mendiant

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11 mai 2018 5 11 /05 /mai /2018 08:00

Pourquoi les experts devraient être systématiquement expertisés.  Pourquoi le système favorise la confusion.

 

使

shǐ fū zhì zhě bù gǎn wéi yě.

Permettre - Homme - Débrouillard - [substitut] - Pas – Prendre le risque - Agir – Aussi

 

使 [shǐ] signifie employer, utiliser, faire, causer, permettre mais aussi "en supposant" ou "si", Cf. 3-1. [fū] signifie homme ou mari, Cf. 2-15   [zhì] signifie sagesse, débrouillardise ou esprit. [gǎn] signifie téméraire, courageux, oser, avoir le courage de, être certain de, prendre le risque de. [yě] signifie aussi, également, non plus, chaque, n’importe lequel.

 

Traductions :

Il fait en sorte que ceux qui ont du savoir, ceux qui "savent", la caste de l’intelligence, la classe cultivée,  les finauds, les habiles, les doctes, les hommes fins, n'osent pas agir, s’agiter.

♥  « Et s'assure que l'habileté n'ose manipuler. » (Ma Kou)

♣ « Et crée la confusion chez ceux qui pensent savoir. » (Stephen Mitchell)

► Le Sage permettrait au Souverain de dormir tranquille, sans crainte d’une action de la caste du savoir ?  Le Sage agirait pour éviter toute velléité de pouvoir de concurrents potentiels en mettant « toutes les intelligences à son service » (Jean Levi) ?  Le paradoxe pourrait être évité en considérant l’action dans le sens de la manipulation (Ma Kou) ou des méfaits (Shi Bo). Les auteurs américains interprètent le texte chinois et s’arrêtent quant à eux plutôt sur la remise en question du savoir en général, dans la continuité de 3-7 (Mitchell) ou de l’impossibilité de manipuler un peuple ayant dépassé ses préjugés et renoncé à ses désirs (Jonathan Star).

 

Préserver les hommes d’esprit des illusions de l’action

La vision d’un Sage détourné des affaires du gouvernement et qui pousse les hommes sages, les hommes d’esprit, à suivre avec lui, comme lui , la voie de la non-action afin de se préserver des risques et des déconvenues de l’action.

 

♫ Et des manipulations des experts

Dans la continuité de 3-7, le Sage préserverait aussi le peuple de l’action manipulatrice des puissants, des experts, de ceux qui disent savoir. Cette interprétation très militante a le mérite de se rapprocher des traductions existantes.

 

expert.jpg

 

Réflexions :

1. Les puissants seraient-ils puissants si nous ne tombions pas dans leurs manipulations ? Clairement pas : seule notre passivité et notre soumission vis-à-vis des « informations » communiquées, notre peur intrinsèque face aux mauvaises nouvelles,  garantit la pérennité du système.

2. « Douter de tout ou tout croire, ce sont les deux solutions également commodes qui l’une et l’autre nous dispensent de réfléchir » écrivait Henri Poincaré.

3. Qu’est-ce qu’un expert ? Est-ce quelqu’un qui sait, quelqu’un qui croit savoir  et qui le communique efficacement (le cas existe aussi d’experts qui savent mais qui communiquent sciemment le contraire !) ou quelqu’un de fort bien payé pour distiller un savoir spécifique ?  « Il est difficile pour un homme de comprendre une chose si son salaire dépend de ce qu'il ne la comprenne pas.» (Upton Sinclair) « Les experts naquirent, comme chacun sait, pour combler le grand besoin qu’ils avaient d’eux-mêmes [...] Un expert, c’est une opinion, deux experts, c’est la contradiction, trois experts, c’est la confusion » (André Santini, Des vessies et des lanternes). Cf. mon article Des Experts à expertiser sur le blog du Mendiant.

4. Le cas des nutritionnistes par exemple, dont les deux messages de base sont : « Il faut manger de tout » et « Rien n’est dangereux en soi ». Cette profession n’est pas reconnue en France (au contraire des diététiciens) et la formation n’est pas uniforme à l’échelon national. Pourquoi donc ? Parce que cela crée la confusion qui permet aux industriels de dormir tranquille et aux pseudos-experts d’écrire de gros livre sur « Comment s’alimenter ». Voir ces différentes manipulations dans le conte alimentaire gratuit.

 

Le Mendiant

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9 mai 2018 3 09 /05 /mai /2018 08:00

Pourquoi les informations sont désinformation. Pourquoi le Non-Savoir nous rapproche du Tao.

 

使

cháng shǐ mín wú zhī wú yù.

Constamment - Permettre - Peuple - [Négation]- Information - [Négation]– Désir

 

[cháng] signifie toujours, souvent, fréquemment, habituellement, commun, normal ou ordinaire Cf. 1-5 使 [shǐ mín] Cf. 3-1. [zhī]signifie (verbe) savoir, réaliser, être au courant, informer, notifier, dire ou (nom) connaissance. [yù] signifie le désir, le souhait ou la volonté, Cf. 1-5.

 

Traductions :

En permanence, il fait en sorte, veille à ce que le peuple n'ait ni savoir/science/connaissances, ni désir.

♥ « Il bannit du peuple toute pensée, tout désir » (Jean Levi)

♣ « Il aide chacun à perdre tout ce qu'il sait, tout ce qu'il désire » (Stephen Mitchell)

► Cette phrase embarrasse certains auteurs au point qu’ils préfèrent la laisser de côté : comment en effet justifier un Lao Zi qui « s'étudie constamment à rendre le peuple ignorant » (Stanislas Julien), dont le « soin constant est de tenir le peuple dans l’ignorance et l’apathie » (Léon Wieger) ?  Serait-il une sorte de Machiavel conseillant au souverain de favoriser l’ignorance afin de préserver son pouvoir ?  Nous avons dans tous les cas ici une opposition frontale avec Confucius dont l’œuvre s’ouvre sur 大学 [dàxué ] c’est-à-dire « La voie de la Grande Etude. » Une possibilité de réponse nous ramène au Chap. 1 : les concepts, le savoir et la connaissance en générale sont illusions et ne correspondent pas à la Réalité du Tao!  Il s’agit d’un « savoir dualiste » ou « faux savoir » (Henning Strom) qui entrave la perception du Tao. Or le Sage souhaite un peuple en paix car en harmonie avec le Tao!

 

Olivier, sur le Forum du Tao, entreprend un parallèle avec la Genèse pour éclairer le principe du Non-Savoir : « Au commencement, Adam et Eve sont nus au paradis heureux (sans savoir ce qu'est le bonheur) parce que directement au contact de Dieu, ils sont dans le Non Savoir, mais ont la connaissance divine. Puis Adam goûte au fruit du Savoir, et patatras, il connait la nudité et la pudeur, le bonheur et le malheur... Ce que propose Lao Tseu est de rendre à Dieu le fruit du Savoir. […] En suivant le Tao, on retrouve son instinct et cela suffit largement pour vivre. »

 

Préserver le peuple des informations, du désir 

 

desinformation2.jpeg

 

Réflexions :

1. Notre civilisation de l’information est paradoxalement celle où nous savons le moins de chose selon le principe que « trop d’info tue l’info » !  Submergé par les (mauvaises) nouvelles qui n’arrêtent pas de tomber, nous en venons à développer un état de pessimisme et de craintes latentes.

2. Les news sont loin de correspondre à la réalité mais plutôt à ce qui est extra ordinaire, c’est-à-dire à ce qui sort vraiment de l’ordinaire. Sur une page blanche, c’est le point noir qui saute aux yeux ! « Regardons donc le côté éclairé de la planète. Partout, mais partout, brillent des étincelles d’amour. Et le monde, alors, n’est plus si obscur ni couvert de ténèbres. Il en est transfiguré. » conseillait Sœur Emmanuelle.

3. Pour être réceptif au vrai Savoir, il convient de vider notre tasse mentale de tous les préjugés accumulés. Par exemple, « Il ne faut pas agir et parler comme les enfants de nos parents […] Jouets d’enfants, les opinions humaines » dit Héraclite (Fragments 14,15): « les « vérités » de groupe, très diverses et qui s’entrechoquent, ne sont pas la vérité, qui est universelle » commente Marcel Conche,  « comme l’enfant, devenant homme, rejette ses jouets, de la même manière il doit rejeter les opinions qui lui ont été léguées par la tradition, soumettant tout au libre examen. » (p.75-76)

4. « Le savoir rend libre mais sommes-nous encore libres de savoir ?  Les tentations de manipulation, les traitements superficiels, égocentriques ou intéressés de l’information et la somme astronomique de données disponibles sur n’importe quel sujet brouillent les pistes. Tout sujet, quel qu’il soit, véhiculera en surface un certain nombre de préjugés. » (L’obsession de la performance)

5. « L’imagination est plus importante que la connaissance » a dit Einstein. Moins on en sait et plus on est libre d’imaginer autre chose !

6. « Le doute est la clef de toute connaissance : qui ne doute de rien ne sait rien » dit un proverbe persan. Toute information devrait être interrogée afin d’éviter autant que possible les manipulations.

7. La limitation des besoins superflus permet de dégager de l’espace pour l’essentiel : de la nourriture de qualité plutôt que des chaussures de marque, une communication de qualité plutôt qu’un forfait de téléphonie mobile, de la nourriture intellectuelle plutôt que la multiplication des chaînes de TV,…

8. La voie est dans la simplicité volontaire, dans le retour à l’essentiel, dans le pouvoir de choix (et non pas d’achat) qui offre la liberté de refuser le « toujours plus » et les gaspillages qui l’accompagnent.[1]

 

Le Mendiant

 

[1] « Moi, ce qui compte pour moi, c’est la liberté. […] Je veux pouvoir acheter mes chemises à Hong-Kong, mes chaussures en Inde. C’est ce qui compte pour moi ! » (Philippe Arnaud, professeur de philosophie, France Culture, 26-7-2006) Avec de tels philosophes égocentriques, la liberté de refuser la dictature marchande n’en devient que plus urgente !

 

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29 avril 2018 7 29 /04 /avril /2018 08:00

Pourquoi les rêves doivent être raisonnés et personnels. Comment exprimer son caractère dans le respect de sa nature.

 

,

ruò qí zhì, qiáng qí gǔ.

Faible - Ses/Leurs - Aspirations, Fort - Son/Leur – Os/Caractère

 

[ruò]signifie faible, jeune, inférieur ou un peu moins que. [zhì]signifie volonté, aspiration, idéal, garder à l’esprit, annales ou signe. [qiáng]signifie fort, puissant, par la force, meilleur ou un peu plus que. [gǔ]signifie les os, le squelette, le caractère ou l’esprit. 骨气 [gǔqì] signifie ainsi la force de caractère ou l’intégrité morale.

 

Traductions :

Affaiblir leur ambition, leur volonté, leur initiative et fortifier, endurcir leurs os, fortifier leur corps.

♥ « En affaiblissant leur désir et en affermissant leurs os » (Shi Bo)

♣ « En affaiblissant leur ambition et en renforçant leur courage » (Stephen Mitchell)

► A l’exception de Stephen Mitchell, les autres traductions restent sur le premier sens de à savoir les os et donc la santé, le taoïsme visant également à assurer la longévité (voire l’immortalité dans sa version religieuse). « Pour le Maître du Bord du Fleuve, le sage « […] protège son essence séminale et accorde de l’importance au souffle, de sorte que les os sont solides et plein de moelle. » (Despeux, p.114) Quel rapport entre l’essence séminale et la moelle osseuse ? Catherine Despeux précise que « les taoïstes pensaient, comme certains médecins de la Grèce, que l’essence séminale était un écoulement de la moelle » (p.254) Retenir son essence séminale (via de moindre désirs ou le contrôle de l’éjaculation[1]) aurait ainsi permis de « faire de vieux os »  Autre rapport dans le commentaire de « Je me tourne vers vous » : « si la volonté porte au mal, le souffle s’en va et les os se déssèchent ; si on affaiblit le penchant pour le mal, le souffle revient et la moelle emplit les os. » (p.252)

 

taichi2_nb.jpg

 

Limiter les aspirations mais renforcer les os

Amendement (Sept 2011) à la proposition précédente: « Limiter les aspirations mais renforcer le caractère » La notion de ventre de la phrase précédente 3-5 couvrant déjà les besoins primaires (dont la santé), j’avais privilégié l’idée du sage limitant l’obsession de la performance, les jalousies et donc les affrontements (Cf. 3-1) tout en renforçant l’intégrité morale. Il ne s’agissait évidemment pas de renforcer son ego et les motifs de conflits avec autrui mais plutôt d’affirmer un refus des manipulations, d’arriver à dire non aux différentes pressions afin de se reconnecter au Tao.  Cette interprétation était toutefois un peu alambiquée et je reviens donc au sens plus classique de  : les os !

 

Réflexions :

1.« Pour réussir sa vie, il faut viser l’échec. Ainsi, on n’est jamais déçu ! » (Frédéric Beigbeder) Sans aller jusqu’à cet extrême, faire le tri de ses rêves ou besoins apparaît comme une hygiène mentale à l’heure où nous avons tendance à multiplier nos aspirations impersonnelles, sous la pression du système ou de la « plus belle voiture du voisin ».

2. Lbérer les rêves, oser rêver ses rêves ! Ces rêves doivent être réalistes, libres de toute manipulation et véritablement pourvoyeurs de bien-être.  Au final, « Il ne reste plus grand-chose !  De quoi ai-je besoin pour asseoir mon bien-être ?  D’un travail enrichissant, de me sentir utile, de partager mes ressources, du sourire des enfants et de mon épouse, de développer un certain nombre de qualités. Je n’ai besoin d’aucun rêve matériel, de conditions de travail, de quantité (nombreux amis) ou d’expériences. » (L’obsession de la performance)

3. « La perfection  du caractère  consiste à passer chaque journée comme si c'était la dernière, à éviter l'agitation, la torpeur et l'hypocrisie. » a dit Marc-Aurèle. Pour le dire autrement : vivre au présent (et non dans le regret ou le désir), limiter les excès et respecter sa nature.

4. « J’appelle caractère d’un homme sa manière habituelle d’aller à la chasse au bonheur » a écrit Stendhal. A partir du moment où cette quête se fait avec les moyens du bord – sans recours à des gadgets ou substances chimiques – pourquoi pas en effet ?  Reste à savoir si cette quête du bonheur n’est pas une autre forme d’obsession de la performance (la tyrannie du bonheur) et si nous n’aurions pas tous intérêt à remplacer cette notion « parfaite » du bonheur par celle d’un bien-être plus terre à terre et facilement accessible. Voir mon ouvrage Les clés du bien-être.

5. « Caractère égal destinée » a dit Héraclite. Le Sage n’a pas vocation à maintenir le peuple dans la médiocrité (ou la caverne des illusions) et vise, par la philosophie, à une prise de conscience salvatrice.

6. Renforcer ou bien changer de caractère ?  Passer d’un « mauvais caractère » sous influence (des news, des commérages, des publicités, de la compétition,…) à un caractère plus naturel c'est-à-dire tourné vers la simplicité et la coopération.

 

Le Mendiant

 

[1] Voir Le Tao de l’Art d’aimer de Jolan Chang, Calmann-Lévy, 1977

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27 avril 2018 5 27 /04 /avril /2018 08:00

Pourquoi corps et esprit doivent être unifiés. Pourquoi l’esprit devrait se mettre au niveau du ventre.

 

,  

xū qí xīn, shí qí fù,

Vide - Son/Leur – Cœur/Esprit, Solide - Son/Leur – Ventre

 

[xū] signifie vide, inoccupé, faux, timide, faible (santé) ou en vain. [qí] Cf. 1-5 [xīn] signifie cœur, pensées, sentiments, intentions, centre, noyau ou essentiel, Cf. 3-3. [shí] signifie solide, vrai, réel, honnête, fait, réalité, fruit ou graine. [fù]signifie ventre, abdomen ou estomac.

 

Traductions :

Vider le cœur, faire le vide dans le cœur, les consciences, les têtes, l’esprit des hommes, remplir leur ventre, faire le plein dans les ventres.

♥  « Vide les consciences mais emplit les ventres » (Ma Kou)

♣ « En purifiant leur esprit, en les nourrissant bien » (Shi Bo)

► Le sage limite les désirs inutiles et vide les cœurs ou les esprits des frustrations, « désirs et passions qui peuvent les troubler » (Conradin Von Lauer, Cf. 3-3.) tout en permettant à chacun de satisfaire ses besoins primaires, de s’alimenter, de s’assurer « que chacun ait de quoi mener une vie décente » (Didier Gonin). Le ventre est à considérer dans le sens de corps, d’organisme ou d’intérieur et pourrait être élargi aux besoins énergétiques, comme le précise Lu Yi sur le Forum du Tao : « La pratique principale de l'alchimie interne est de nourrir son Tantien (champs de cinabre situé dans le bas-ventre), on empli son ventre (chaudron d'énergie du ventre) de Qi (énergie), on respire dans son ventre. » 

 

taichi_nb.jpg

 

Contre-sens ?

en chinois désignant à la fois le cœur mais aussi l’esprit, les sentiments ou les intentions, il n’y a pas véritablement de contre-sens à ces différentes traductions. Il peut néanmoins sembler surprenant de « vider les cœurs » tandis que toutes les spiritualités s’accordent sur le fait qu’il convient de ralentir le flux de ses pensées, de limiter son mental, bref de se vider l’esprit, de se distancer de l’ego (Cf.1-5) Traduire par cœur est évidemment une erreur grossière (commise par Stephen Mitchell) même s’il est évidemment plus poétique de « remplir son cœur » que son ventre !  Le terme signifie davantage fortifier ou renforcer que remplir mais le choix de l’opposition entre les deux parties de la phrase permet de recréer la dynamique du yin et du yang : le vide alterne avec le plein… et l’on obtient alors « un esprit sain dans un corps sain » !

 

Vider les esprits mais remplir les ventres

 

Réflexions :

1. La priorité, avant toute réflexion philosophique, avant tout bien-être durable, demeure la satisfaction des besoins primaires : se nourrir, se vêtir, se loger et se soigner. « On ne peut parler à un homme qui a faim qu’en terme de pain » disait Gandhi. Si l’essentiel manque, désirs et frustrations ne peuvent qu’être présents.

2. « Ce ne sont pas des ailes qu'il faut à l'esprit humain mais plutôt du plomb et du poids. » a dit Francis Bacon. « Le corps grandit en prenant de la taille. L'esprit grandit en perdant de la hauteur. » a fait remarquer Christian Bobin. Notre esprit étant la cause de toutes nos illusions, de tous nos malheurs, un recentrage sur le corps – pour autant qu’il soit sain – pourrait nous aider à retoucher terre et à accéder plus facilement à la Réalité.

3. Lu Yi sur le Forum du Tao : « Vu que corps, esprit et Qi (énergie vitale) sont reliés, il est parfois conseillé de travailler les trois, les uns agissant sur les autres: Taichi pour le corps, Qi gong pour le Qi, Méditation pour l'esprit (le Shen). Jing, Qi et Shen sont appelé les trois trésors. »

 

Le Mendiant

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25 avril 2018 3 25 /04 /avril /2018 08:00

Pourquoi la politique du sage est nécessairement désintéressée. Comment juger de la qualité d’un soin.

 

圣人

shì yǐ shèngrén zhī zhì :

Être - Ainsi - Le Sage - [liaison] – Soigner/Diriger

 

Même formulation que dans 2-9. [zhì] signifie gouvernement, gouverner, administrer, manager, contrôler, soigner ou guérir mais aussi punir, ce qui pourrait expliquer la méfiance traditionnelle des chinois vis-à-vis du pouvoir…

 

Traductions :

C’est pourquoi le Sage, le Saint-homme, le Maître, dirige, règne ainsi, gouverne (les gens du peuple), a pour règle.

« Aussi la politique des Sages consiste-t-elle à » (Léon Wieger)

► Deux sens possibles : le Sage influe sur le peuple dont il était question précédemment (traductions majoritaires), le gouverne via un certains nombre de principes (que nous allons découvrir) ou bien alors il s’impose à lui-même les règles suivantes afin de mieux (se) gouverner (traductions minoritaires)

 

Contre-sens ?

Parler du « gouvernement du saint » est clairement un contre-sens. Tout au plus pourrions-nous évoquer une « gouvernance » du sage. Il semble en effet paradoxal que le Sage solitaire puisse accepter une responsabilité politique dans un gouvernement quelconque. Si conseils ou soins il y a, alors ils ne peuvent être que désintéressés et indirects puisque le Sage (2-10)

 

♫ Ainsi, les soins du Sage

 

 

famille_plage_nb.jpg

 

Réflexions :

1. Les conseils et soins du sage n’ont de valeur que par leur désintéressement et visent au mieux-être des individus. Un conseil intéressé est une manipulation (hommes politique, publicitaires, patron,…)  Un soin intéressé est une parjure du serment d’Hippocrate (médecins et pharmaciens sous influence des labos)

2. Les conseils et soins des parents sont-ils toujours au bénéfice des enfants ?  « Tu devrais mieux t’habiller », « Tu devrais être plus polie », « Tu ne devrais pas faire cela », « Tu devrais plutôt être docteur ou avocat »…  Aux pressions de la société pour exhiber des enfants conformes aux normes de la société (politesse, propreté, bonnes notes,…) s’ajoutent parfois les aspirations de parents frustrés de ne pas avoir pu réaliser leurs rêves. Prendre soin de ses enfants et non prendre soin de son ego au-travers de ses enfants.

3. En matière de soins, la première règle est « primum non nocere » (d’abord ne pas nuire) : le remède doit prendre véritablement soin de l’organisme, ce qui est loin d’être le cas avec les médicaments chimiques (allopathie) qui affaiblissent le système immunitaire et ne traitent que des symptômes. Voir notre livre Le choix des huiles essentielles.

4. Nous pourrions dire la même chose avec les soins cosmétiques industriels, la plupart des crèmes renfermant des ingrédients nocifs pour la peau quand ils ne sont pas cancérigènes !  Voir notre premier Palmarès des cosmétiques bio sur www.beautebio.ch

5. « Aurais-tu soixante conseillers, consulte-toi toi-même » dit un Adage hébreu. En effet « Le premier précepte est de ne recevoir jamais aucune chose  pour vraie que je ne la connusse évidemment être telle » (Descartes, Discours de la méthode) et « Autant d’individus, autant d’avis : à chacun sa règle » (Térence, Phormion)  Ne conseille pas à autrui ce que tu ne te conseillerais pas à toi-même…

 

Le Mendiant

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22 avril 2018 7 22 /04 /avril /2018 08:00

Pourquoi le système carbure aux frustrations. Pourquoi la publicité est cause de mal-être. Pourquoi le bling-bling est indigne.

 

, 使

bù xiàn kě yù, shǐ mín xīn bù luàn.

Pas - Devenir visible - Approuver - Désir, Permettre - Peuple - Sentiments - Pas - Désordre

 

[xiàn] est un mot peu usité signifiant apparaître, devenir visible.   [kě]  signifie approuver, pouvoir, besoin de faire quelque chose, être utile, s’adapter ou convenir, Cf. 1-1 [yù] signifie le désir, le souhait ou la volonté, Cf. 1-5.   [xīn]  signifie cœur, pensées, sentiments, intentions, centre, noyau ou essentiel. [luàn]  signifie désordre, confusion, chaos, émeute, promiscuité, arbitraire, esprit confus,…

 

Traductions :

Si on ne montre pas ce qui excite le désir,  si on ne fait pas étalage de ce qui porte à l'envie, de ce qui engendre la convoitise, de ce qui est alléchant, le peuple n'a pas le cœur troublé, le peuple aura le cœur en paix, en repos, on empêche l’âme du peuple de se troubler, le trouble du cœur du peuple s'éloigne.

♥ « Ni exhiber les choses enviables, pour ne pas troubler les cœurs » (Conradin Von Lauer)

Si les sources de désirs, les tentations, n’étaient pas multipliées à l’infini, il n’y aurait pas désordre des sentiments ou trouble dans le cœur des hommes.

 

Sans multiplication des désirs, nulle frustration

 

 

frustration_nb.jpg

 

Réflexions :

1. La consommation est une source d’insatisfaction chronique tandis que la simplicité volontaire est la voie d’une satisfaction au quotidien.  « Limiter le nombre de rayons et donc de tentations, se libérer de la « tyrannie des marques » ou éviter le gaspillage sont autant de moyens de « libérer » notre pouvoir d’achat. La consomm’action sera source de contentement : à la frustration de ne pas avoir pu « assez acheter » se substitue la fierté de laisser toujours plus de produits en rayons. Dans l’art de la simplicité volontaire, un chariot à moitié vide vaut mieux qu’un chariot à moitié plein ! » (L’obsession de la performance). « Ne désirer que ce que qu’on a, c’est avoir tout ce qu’on désire » note P. -J. Chardin dans une chanson de 1847. En effet, « Nos désirs sont comme les enfants : plus on leur cède, plus ils deviennent exigeants » dit une sagesse chinoise.

2. « Content de peu n’a rien à craindre » dit Lao zi. « Celui qui ne sait pas se contenter de peu sera content de rien » ajoute Epicure. « Celui qui vit de peu vit beaucoup » conclut Michel Jourdan.

3. La publicité est une machine à frustrations : frustration de ne pas toujours pouvoir acheter le dernier gadget mais aussi frustration, une fois le gadget acheté, de ne pas être aussi heureux que les acteurs de la publicité.  « Pourquoi cela fonctionne-t-il avec eux et pas avec moi ? » Syndrome de la « Famille Ricorée » !  « Chaque désir m’a plus enrichi que la possession toujours fausse de l’objet même de mon désir » constatait André Gide.

4. « Le microcosme de la publicité se retrouva ainsi profondément ébranlé : pas une publicité qui ne faisait désormais l’objet de suspicion, pas un panneau qui n’était barbouillé d’un texte « lapid’air » ou ironique, pas une boite aux lettres qui n’arborait l’autocollant « Stop pub ».   Et gare à ceux qui enfreignaient la volonté du citoyen : le boycott était immédiat ! L’intermède publicitaire se transforma même en jeu de société : on se réunissait entre amis pour se passer une sélection de pubs et c’est à qui trouverait le meilleur argument pour ne pas acheter le produit… Si un produit était vraiment bon, pourquoi avait-il besoin d’un matraquage publicitaire ? » (Conte écologique gratuit De l’air !)

5. Et si, au lieu de se plaindre de la recrudescence de la délinquance, nos dirigeants renonçaient à leurs montres tapes-à-l’œil ?  « Celui qui a 50 ans n’a pas renoncé au bling-bling n’a pas encore réussi sa vie » ( Séguéla)

6. Côté sexualité, essentielle dans la pratique taoïste, l’omniprésence de la pornographie génère à la fois une vaine obsession de la performance et un mal-être et un mal-jouir latents, incapables que nous sommes de satisfaire à ces multiples stimuli de fantasme. Noirs désirs.

 

Le Mendiant 

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20 avril 2018 5 20 /04 /avril /2018 08:00

Pourquoi la délinquance est entretenue par le système. Pourquoi les biens ne feront jamais le bien.

 

, 使  

bù guì nán de zhī huò, shǐ mín bù wéi dào;

Pas - Coûteux - Difficile - [particule] - [liaison] - Biens, Permettre - Peuple - Pas - Devenir – Voleur

 

[guì]  signifie cher, coûteux, précieux, des plus apprécié ou noble. [nán]  signifie difficile, pénible, mauvais, déplaisant. [de]  est une particule utilisée pour exprimer la possibilité ou la capacité ou un mot de liaison entre un verbe ou un adjectif et un complément.   [huò]  signifie les biens, les commodités, l’argent mais aussi, et il est intéressant de le souligner, imbécile ou idiot.  () [wéi]  signifie faire, servir en tant que quelque chose, agir, devenir ou signifier, Cf. 2-1 [dào]  signifie voler, dérober ou voleur.

 

Traductions :

Si on n'attache pas de valeur, si on ne prise pas, si on n’estime pas les biens d'acquisition difficile, les trésors recherchés, les biens précieux, les objets rares, le peuple ne se livre pas au vol, on empêche le peuple de voler, le vol disparaît de l'esprit du peuple, on obtient que le peuple ne soit pas cupide.

♥ « Ne fais nul cas des choses rares. On cessera de dérober. » (François Huang et Pierre Leyris)

S’il n’y avait la tentation exercée par les biens rares (et difficiles à obtenir) et donc coûteuses, il n’y aurait pas de vol. Si chacun avait accès à ce dont il a besoin, il n’y aurait pas de voleur.

 

Sans valorisation des biens, nul vol

 

 

voleur.jpg

 

Réflexions :

1. Le matraquage publicitaire et les inégalités devant la consommation poussent certains à recourir au vol. Le message insidieux selon lequel il convient de posséder « à tout prix » le dernier gadget est en effet contradictoire avec le principe de l’honnêteté. Le système est ainsi le premier responsable de la violence et de l’insécurité aux noms desquelles les gouvernants arrivent à se maintenir au pouvoir. La peur sera en effet toujours mauvaise conseillère !

2. L’approche consumériste est contradictoire avec le Tao qui pourvoit à chacun « selon ses besoins » (principe du communisme made in URSS) ou « selon son travail » (principe du communisme made in China) et limite ainsi les ressentiments. Il n’est pas en soi question de se tourner les pouces mais d’être correctement rétribué, de vivre correctement et dignement de son travail, là où la tendance est à la Wal-Martisation des économies et à la multiplication des working-poor (travailleurs sous payés n’arrivant pas à subvenir à leurs besoins).

3. « J’aime à les entendre ces gens riches, ces gens titrés, ces magistrats, ces prêtres, j’aime à les voir nous prêcher la vertu. Il est bien difficile de se garantir du vol, quand on a trois fois plus qu’il ne faut pour vivre ; bien malaisé de ne jamais concevoir le meurtre, quand on n’est entouré que d’adulateurs ou d’esclaves dont nos volontés sont les lois ; bien pénible, en vérité, d’être tempérant et sobre, quand on est à chaque heure entouré des mets les plus succulents ; ils ont bien du mal à être sincères, quand il ne se présente pour eux aucun intérêt de mentir… » (Sade, Justine, p.57)

4. La consommation d’un bien est souvent légitimée au prétexte d’un « je le vaux bien ».  Je crois, en achetant un bien, valoriser un être voire faire le bien (de l’économie, de la croisssance,…). Les chinois sont traditionnellement plus nuancés avec le même terme désignant les biens et l’imbécile : l’idiot serait-il celui qui possède le plus de biens ?  « Car la richesse de l’homme est dans son coeur. C’est dans son coeur qu’il est le roi du monde. Vivre n’exige pas la possession de tant de choses » rappelle Jean Giono dans  Les vraies richesses.

 

Le Mendiant

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18 avril 2011 1 18 /04 /avril /2011 07:50

Pourquoi valoriser est source de tension. Pourquoi l’esprit de compétition est à l’avantage du système. Pourquoi toute comparaison est illusion.

 

, 使

bù shàng xián, shǐ mín bù zhēng

Pas - Attacher une grande importance à - Vertueux/Capable, Permettre - Peuple - Pas - Se disputer/Contester

 

[shàng] signifie attacher une grande importance à quelque chose mais aussi estime/estimer ou valeur/valoriser.  [xián] signifie une personne capable et vertueuse mais aussi digne ou louable. 使 [shǐ] signifie employer, utiliser, faire, causer, permettre mais aussi "en supposant" ou "si", ces deux dernières traductions permettant alors une interprétation inverse de la phrase : « Si le peuple ne se dispute pas, il n’est nul besoin de valoriser les vertueux »  [mín] désigne le peuple ou les civils. [zhēng] signifie se disputer, argumenter, polémiquer, combattre, s’efforcer de ou vouloir.

 

Trad.1 :

Si on n'exalte pas, ne glorifie pas, n’honore pas les sages, les hommes éminents, les hommes de mérite, le peuple ne se dispute pas, on empêche le peuple de s’affronter, d’entrer en compétition, la contestation ne pénètre plus le peuple, on n’éveille pas de ressentiments, on cessera de batailler.

♥ « N'honore pas les sages, le peuple ne sera pas querelleur » (Jean Levi)

♣ « Ne pas faire cas de l’habileté, aurait pour résultat que personne ne se pousserait plus. » (Léon Wieger)

Si certains hommes n’étaient pas montrés en exemple, si le statut social n’avait pas autant d’importance, il n’y aurait nulle discorde, nulle compétition entre les hommes pour essayer de paraître plus vertueux ou compétents qu’ils ne le sont réellement.

 

 

podium_nb.jpg


 

Trad.2 :

« Si l'on surestime les grands hommes, les gens deviennent dépendants. » (Stephen Mitchell)

► Mettre en avant certains hommes, c’est automatiquement en infantiliser d’autres et créer un rapport hiérarchique au détriment de la liberté et de la responsabilité des seconds. Or « la démocratie est l'organisation sociale qui tend à porter au maximum la conscience et la responsabilité civique de chacun » (Marc Sangnier)

 

Contre-sens ?

Le sens des aphorismes se complique encore un peu avec l’introduction de doubles négations () ce qui permet à Stephen Mitchell de présenter une version originale… et positive.[1]  La notion de jalousie ou de compétition n’apparaît pas non plus en chinois même si c’est bien de cela dont il peut s’agir.

 

♫ Sans mise en avant des vertueux, nul ressentiment

 

Réflexions :

1. La mise en valeur de quelques uns (les puissants, les membres de la jet-set ou du show-biz) par les médias créée de multiples frustrations (de ne pas être aussi bien ou aussi riche qu’eux) et une obsession de la performance qui nous pousse à la compétition et au paraître. Le système y trouve son compte : soit j’y arrive et deviens un acteur qui n’a alors plus aucun intérêt à remettre les déséquilibres et les injustices en cause, soit je n’y arrive pas et je deviens frustré et trop complexé pour oser hausser le ton. Seul moyen pour sortir de ce cercle vicieux ? Refuser le paraître et s’assumer enfin en tant qu’être ! Redevenir ce que l’on est !

2. La comparaison est toujours une illusion : orgueil démeusuré et ego boursouflé, d’un côté, manque de confiance en soi et dévalorisation de l’autre. Objectivement, autrui sera toujours différent… et donc incomparable !

3. Plutôt que de regarder constamment en l’air vers ceux qui ont plus ou paraissent être "plus", pourquoi ne pas regarder à notre hauteur ou en bas, vers le mendiant philosophe par exemple, figure emblématique de la simplicité volontaire.

4. « Pourquoi avions-nous donc autant de mal à dire : « Désolé, je ne sais pas », « Ce n’est pas de ma compétence » ou « Je me suis trompé » ? Le mendiant reconnaissait tout cela et disait aussi : « Je suis pauvre », « Je suis passif » et « J’ai besoin de vous ». Le mendiant était l’antithèse du superman, de l’homme « modèle » qui croit contrôler et diriger son monde. Il était l’antinomique du développement. Il ne clamait pas haut et fort : « Regardez comme je suis performant, beau, riche et intelligent » mais : « Regardez comme je suis faible et, si vous le pouvez, aidez-moi ! » À y réfléchir, la figure du mendiant était emblématique de la condition humaine : un être bon mais plein de faiblesses, qui avait besoin des autres pour vivre et qui n’avait pas honte de l’admettre. En vérité, nous étions tous des mendiants en puissance, même si nous faisions tout pour nous persuader du contraire… » (Le Mendiant et le Milliardaire)

5. De la question des notes à l’école : valoriser les uns conduit à insidieusement dénigrer les autres alors que deux enfants n’auront jamais le même rythme de développement, ni les mêmes capacités selon les matières.

 

Le Mendiant



[1] L’auteur américain – qui avoue ne pas parler chinois – nous livre d’ailleurs davantage une interprétation qu’une traduction… et en oublie ainsi régulièrement des phrases (la 3ème dans ce chapitre par exemple).

 

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