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28 février 2011 1 28 /02 /février /2011 06:43

Pourquoi la beauté est une notion nécessairement subjective. Pourquoi le laid est une simple perspective différente. Quelles sont les conséquences d’une tyrannie de la beauté. 

 

, .  

tiān xià jiē zhī měi zhī wéi měi, sī è yǐ

Sous le ciel - Tous - Réaliser - Beau - [liaison] - Signifier - Beau, Cela - Mal – Ainsi

 

[tiān xià] signifie littéralement "sous le ciel" et désigne traditionnellement la Chine et, par extension, le monde. [jiē] signifie tous ou chacun [zhī] signifie (verbe) savoir, réaliser, informer, dire ou (nom) le savoir  [měi] signifie soit joli, beau, magnifique, soit très satisfaisant, bon (un bon vin). Lui donner le sens de "bon" au sens moral ou de "conduite honorable" serait ainsi un contre sens si le caractère [è] n’était pas lui-même traduit par "laid" alors qu’il signifie plutôt le mal, le vice, vicieux ou féroce d’où la précision de Stanislas Julien « laideur du vice ».  [wéi] signifie faire, servir en tant que quelque chose, agir, devenir ou signifier. [yǐ] signifie stopper, cesser, se terminer ou alors déjà, ainsi, après cela. ► Nous voici donc à nouveau avec une possible interprétation contraire : « Quand tout le monde reconnaît le beau, le laid/le vice disparaît ».

 

Trad. 1 :

Dans le monde, quand tous/chacun distinguent/savent/reconnaissent que le beau est le beau, que la beauté est belle, ainsi est admise l’idée du laid.

♥ « Si tout le monde sait qu'il y a le beau, c'est parce qu'il existe le laid.» (Shi Bo)

La compréhension du beau, saisir le sens du beau, induit l’acceptation de son concept contraire c’est-à-dire le laid. « Les contraires sont des notions abstraites appartenant au domaine de la pensée, et en tant que tels ils sont relatifs. Par l’acte même de concentrer notre attention sur n’importe quelle notion, nous suscitons son contraire. » (Fritjof Capra, p.147)

 

♫ Comprenant le beau, le laid apparaît.

 

 

beaute_nb.jpg

 

Trad. 2 :

Tout le monde sait que la beauté est belle, tient le beau pour le beau, connaissent le beau comme étant le beau, voilà ce qui est laid, ce qui fait sa laideur, alors apparaît le laid.

► La laideur ou le vice résident dans l’uniformisation des concepts, lorsque tous pensent la même chose et tiennent par exemple le beau pour le beau. « L’aubergiste avait deux concubines : une belle et une laide. Chacun aimait la laide, aucun n’aimait la belle. Yang Zhu demanda pourquoi et un valet répondit : « La belle sait sa beauté et nous ne remarquons plus sa beauté ; la laide sait sa laideur et nous ne remarquons plus sa laideur. » (Lie Zi, II-16, p.52) 

 

♫ Quand tous s’accordent sur le beau, le vice apparaît

 

Réflexions :

1. Tout est relatif : sans le laid, on ne pourrait définir le beau. Qu’est-ce que le laid en effet sinon une interprétation personnelle d’une réalité qui nous échappe ? Ce qui est laid dans une culture ne le sera ainsi pas forcément dans une autre et il est problématique d’imposer à tous des critères de beauté, comme l’illustre les drames liés à la tyrannie de la minceur. Sauf évidemment si l’objectif est de fourguer des crèmes ou des régimes…

2. Idem avec le bon et le mal, le grand et le petit, le positif et le négatif, le plaisir ou le déplaisir. « […] bien et mal, plaisir et peine, vie et mort ne sont pas des expériences absolues appartenant à des catégories différentes, mais simplement deux aspects d’une même réalité, les parties extrêmes d’un ensemble unique. » (Fritjof Capra, p.148) « Les corrélatifs, les opposés, les contraires comme oui et non, sont tous entrés dans ce monde par la porte commune, sont tous sortis du Principe Un » selon Léon Wieger (Cf. 1-9)

3. Faire le choix de la « vision sans tête » et regarder les choses et les êtres s’exprimer par eux-mêmes, sans y plaquer nos habitudes ou préjugés « c’est beau !» ou « c’est laid! » ?  Plutôt que de nous concentrer sur le paraître, sur l’enveloppe ou le masque (persona), accueillir l’autre dans l’ouverture et la présence, avec bienveillance et empathie.

 

Le Mendiant

 

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commentaires

L
<br /> les sens du Tao. Petit exercie... Que voyez-vous sur ma photo de profil facebook : le "désert" ? "Moi" ? "Moi" qui embrasse le "désert" ? "Vous" ? "Vous" qui regardez "Moi" qui embrasse le "désert"<br /> ? "Vous" qui regardez le "désert" qui se laisse embrasser par "Moi" et par "vous" par la même occasion ? Combien d'autres réponses encore possibles... un "fouletitude"...! Ce que nous voyons vient<br /> autant de l'extérieur que de l'intérieur n'est-ce pas... Et si en fait nous étions simplement ce que nous voyons à un instant "t", littéralement. Qui a-t-il d'autre en cet instant de lecture au<br /> dessus de vos épaules, là où disparaissent vos bras, en lieu et place d'une prétendue tête...? N'est-ce pas cet écran, ces mots ou plutôt ces succession de trait d'encre qui forment de prétendues<br /> lettres (même pas compréhensible par tous ? Drôle de tête n'est-ce pas ? Drôle d'exercice que cette "vision sans tête" ; merci Douglas Harding. De là à dire que ce que nous voyons et beau ou laid<br /> dépend -peut-être- de notre état d'esprit, il n'y a pas loin. Le laid et le beau existe-t-il vraiment en réalité ? Ou bien ne sommes-nous pas réellement dans la non-dualité. Le "sens du Tao" et<br /> l'échange que propose Benoît Saint-Girons me semble une base de réflexion... que je vais m'abstenir de qualifier sous peine de dualité immédiate. Et déjà là, penser à ne pas la qualifier la fait<br /> inévitable apparaître ! Et pourtant, elle est bien totalement irréelle, il me semble...<br /> <br /> <br />
Répondre
T
<br /> <br /> Merci Lionel pour ces autres perspectives. La "vision sans tête" de Douglas Harding me semble tout à fait pertinente et je vous invite tous à la découvrir et l'expérimenter sur le site http://www.visionsanstete.com<br /> <br /> <br />  <br /> <br /> <br /> <br />
C
<br /> ...c'est reparti pour le chapitre 2 ! merci Benoît<br /> <br /> <br />
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