Un paragraphe sur l’art du détachement et de l’humilité, gage de préservation et de longévité mais aussi de réalisation spirituelle, pour autant que l’on n’ait pas conscience de son art…
| 天 长 地 久 | Ciel éternel et Terre durable | |
| 天 地 所 以 能 长 且 久 者 | […] | |
| 以 其 不 自 生, 故 能 长 生 | Car ne vivant pas pour eux-mêmes | |
| 是 以 圣人 后 其 身 而 身 先 | Ainsi le Sage se tenant derrière se retrouve devant | |
| 外 其 身 而 身 存 | Extérieur à sa vie, il la préserve | |
| 非 以 其 无 私 邪, 故 能 成 其 私 | Détaché même de son détachement, pour mieux s’accomplir |
Cliquer sur le numéro de phrase vous transportera directement aux explications de la phrase en question. Après le désordre ordonné, voici l’ordre apparent…
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Prononciation en chinois (Chap 7 à partir de 3:18)
Commentaires :
A l’exemple du ciel (天) et de la terre (地), le Sage est désintéressé, extérieur (外) à son existence (生), à sa vie (身). Mais le sage a une conscience et il lui faut donc aller plus loin que la nature émanant du Tao : il lui faut se tenir derrière (后) sans en avoir conscience, être détaché également de son détachement, ne pas (非) utiliser (以) sa négation (无) de l’égoïsme (私) et du mal (邪). Exprimé de manière plus positive, le Sage ne peut avoir conscience de son altruisme (无 私) et de sa bonté. C’est à ces conditions qu’il sera reconnu comme Sage et se retrouvera devant (先).
Ainsi, c’est en oubliant sa personne (私) que l’on accomplit (成) sa personne (私), que l’on devient ce que l’on a toujours été. « Deviens ce que tu es » disait Nietzsche. Le sage devient en oubliant son être. « C’est ainsi en s’effaçant, en étant vide de lui-même – vide d’ego –, et comme se dépouillant de toute pensée d’un intérêt propre ou de ce qui lui appartiendrait en propre, qu’il accomplit sa propre nature : il se fond dans la Nature comme une goutte d’eau dans l’océan. […] Or, se placer au dernier rang, être humble, ne pas se faire valoir, n’avoir pas conscience de ses qualités, de ses mérites, n’avoir pas d’égoïsme, cela même distingue le Sage parmi les autres hommes, le singularise, le fait remarquer comme l’exception, finalement attire sur lui les regards. » commente Marcel Conche (p.73)
« Que pourrait-il saisir qu’il ne possède déjà ? Que pourrait-il faire pour lui-même que l’univers n’a pas déjà fournit ? » s’interroge quant à lui Jonathan Star[1], dans une interprétation de ce que pourrait être la simplicité volontaire suprême, gage d’un sublime contentement. C’est de cette non-action, de ce retrait par rapport aux désirs, de cette position basse (voir 8-5) ou en retrait, « que le saint (le plus haut degré de sagesse) tient sa place imminente » conclut Rémi Matthieu (p.91)
Le Mendiant
PS: célébrations de fin d'année obligent, je vais me détacher un instant de cette aventure de traduction. Excellentes fêtes à vous tous et à l'année prochaine!
