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25 mars 2018 7 25 /03 /mars /2018 08:00

Pourquoi le plus grand détachement s’exerce vis-à-vis de sa propre existence. Pourquoi le Sage refuse d’avoir des élèves.

 

shēng ér bù yǒu

Vivre/Elève - [conj.] - Pas - Avoir

 

[shēng] signifie (verbe) donner naissance, grandir, vivre et (nom) existence, vie, élève. Cf. 2-3

 

Trad.1 : Il les fait vivre, il les nourrit, il les produit, il aide à les créer, il répond à leurs besoins sans se les approprier, sans les posséder, sans les accaparer,…

♥ « Il aide à vivre sans s'approprier. » (Marcel Conche)

► Nous restons sur les dix mille êtres que le sage abreuve naturellement sans rien attendre en retour. Notion de désintéressement. « Ceux qui l’écoutent, et de cette écoute, tirent profit, ne sont pas « ses » élèves. Il ne fonde pas d’école. Ce n’est que bien après Lao-tseu que l’on parlera d’une « école du Tao » précise Marcel Conche (p.51)

 

♫ Mais n’a pas d’élèves

Une proposition contraire (et trop simpliste ?) au sens communément admis mais néanmoins dans la logique des caractères et du détachement du sage taoïste. Il ne refuse évidemment pas d’aider, mais il refuse d’ « avoir » des élèves, d’exercer sur eux une forme de domination, de « posséder » ou de « formater » leurs esprits.

 

 

flamme_vie.jpg

 

 

Trad.2 : Il produit sans s’approprier, il crée sans posséder, Il a mais ne possède pas

♥ « Il crée sans s'approprier » (Conradin Von Lauer)

♣ « Donnant sa vie sans revendiquer d'en être le propriétaire. » (Feng Xiao Min)

► Nous restons sur la notion de détachement, de vie fluide sans qu’il y ait besoin de s’attacher à quoi que ce soit, sans "avoir".

 

♫ Mène sa vie sans la posséder

L’existence individuelle s’inscrit dans la globalité du Tao.

 

Contre-sens ?

De nombreuses incohérences sur la traduction de : comment le sage pourrait-il par exemple « produire » les êtres ?  Les idées de les nourrir ou de répondre à leurs besoins sortent également du sens du caractère.

 

Réflexions :

1. Sur quoi le respect du corps enseignant doit-il être bâti ? Une autorité hiérarchique à coups de scolarité obligatoire, de leçons, de règlements et de notes ou bien sur l’expression sincère d’une passion pour le sujet enseigné ?  Un enseignant ne sera jamais respecté par les élèves pour sa fonction, superficielle et imposée, mais le sera dès qu’il aura fait la démonstration de sa cohérence et de sa compétence. On ne respecte jamais que ce qui est "vrai".  « Allez donc faire comprendre à des élèves que l'enseignement primaire n'est pas primaire, que le secondaire est loin d'être secondaire et que le supérieur est parfois moyen… » précise Philippe Geluck.

2. Ne pas posséder son existence revient à dire que l’on accepte les hauts et les bas, les aléas de la vie, les évènements douloureux. « Tout ce qui peut arriver à un être humain peut aussi m’arriver : j’accepte cette réalité » [1]  Réfléchir à ce mantra permet de faire preuve d’humilité et de responsabilité : il y a des choses que je peux contrôler et d’autres non ! 

3. Admettre que l’on ne possède pas sa vie, en tout cas pas en totalité, permet aussi de limiter les frustrations liées au mythe de la performance ou du surhomme : en dépit de ce que certains livres aimeraient nous faire croire, notre pouvoir n’est pas « illimité » !

4. Le Sage « mène sa vie » mais accepte que le Tao puisse la lui reprendre à tout instant. La mort peut survenir à l’improviste et le sage accepte cette réalité avec détachement et attention au présent. « Tu ne meurs pas de ce que tu es malade; tu meurs de ce que tu es vivant » disait Montaigne.

 

Le Mendiant

 

[1] Mantra tiré du livre de Bo Lozoff, La vie vaut la peine d’être vécue, Editeur le Jour, p. 92

 

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commentaires

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<br /> Bonsoir Benoit et bonsoir également à toi Lionel.<br /> Vos réflexions sont fort riches et suffisamment diversifiées pour que l'on puisse longuement écrire sur chacune. J’en reprendrai juste quelques unes.<br /> « Le Sage « mène sa vie » mais accepte que le Tao puisse la lui reprendre à tout instant ». Nous voici en plein dans une conception bouddhiste d’impermanence. Ma vie peut certes s’arrêter tout à<br /> l’heure, dans un an, dans 10 ou 20 ans, je n’en sais rien. Je sais seulement qu’elle s’arrêtera. Rien de nouveau là sauf que j’ai fini par réaliser que cette manière de voir n’est en rien morbide,<br /> tout au contraire. Elle implique de vivre pleinement ce que l’on est en train de vivre et dans la relation à l’autre, elle entraine une totale présence à cet autre.<br /> C’est ce qui est dit ensuite dans les réflexions : « le sage accepte cette réalité avec détachement et attention au présent ».<br /> Je raccorde en outre cette idée du détachement à celle du non attachement ou du désintéressement quand il est dit « le sage abreuve naturellement sans rien attendre en retour. ». Nous abordons là<br /> l’idée du don gratuit. Ce n’est pas toujours aisé à pratiquer mais quelle tranquillité lorsque l’on donne, que l’on offre quelque chose sans rien attendre en retour car alors, le don est fait pour<br /> lui-même, pour le simple et pur plaisir de donner. Du coup sont supprimées toutes les attentes, causes de souffrance quand elles sont vaines.<br /> Cela permet également d’apprendre l’humilité, notion importante mais bien souvent hélas mal comprise. Effectivement, nous de disposons pas de « pouvoir illimité » comme certains coach adeptes de la<br /> starisation voudraient nous le faire croire. Au demeurant, à quoi cela servirait-il ? Le pouvoir dont nous avons besoin est celui qui nous permet d’accomplir ce que nous désirons. Or, le plus<br /> difficile est également le plus facile : il est dans la relation à l’autre et le pouvoir dont nous avons alors besoin est celui de l’acceptation, de l’humilité, de la bienveillance. Il n’est<br /> nullement d’accomplir quelque chose qui se situerait dans la performance. Le vrai pouvoir rejoint des réflexions précédentes sur le silence : il est celui que l’on a sur soi-même pour être dans la<br /> simplicité et l'authenticité lors de la relation à l’autre. Vaste et beau programme !<br /> Je terminerai juste par un point : j’ai toujours été choqué par le titre du livre « La vie vaut la peine d’être vécue ». Je bute sur le mot « peine ». Je le trouve dramatique ! Il suffit de<br /> regarder sa définition. Il aurait été tellement plus beau de dire "La vie vaut la joie d’être vécue". Mais la peine ! Non, que diable, pas d’affliction ni de sanction !<br /> Belle soirée à vous tous.<br /> Xavier<br /> <br /> <br />
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L
<br /> A quoi bon contrôler des choses incontrolables et dont le contrôle n'a rien d'autre à nous apporter qu'un désir de contrôle. Ceci me paraît valable pour tous les concepts. Accpter que nous n'avons<br /> pas le contrôle sur le monde et sur nos vies tout en prenant conscience que cela n'a pas d'importance, tout en prenant conscience que nous pouvons rester prisonnier de nos conceptions quelqu'elles<br /> soient : cela ne nous empêchent pas en réalité d'être. Et bizarrement voire paradoxalement, rien que cette rpise de conscience semble me libérer. Me libérer de quelque chose dont je (mon être) ne<br /> suis pas réellement prisonnier tout en sachant que je ne peux pas vraiment m'en libérer mais que cela ne m'empêche pas d'être libre. Ouuaaaah, je débloque ! Chouette concept !<br /> Belle journée,<br /> Lionel<br /> <br /> <br />
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